Science
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Berenice Abbott, Soap Bubbles, New York, 1946
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Berenice Abbott, Light through prism, Cambridge, Massachussetts, 1958-61
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Berenice Abbott, Cycloid, Cambridge, Massachusetts, 1958-61
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Berenice Abbott, Stroboscopic Angle shot, c. 1958
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Berenice Abbott, Multiple Exposure of a Swinging Ball, 1958-61
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Berenice Abbott, Transformation of Energy, Cambridge, Massachusetts, 1958-61
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Berenice Abbott, Multiple exposure showing the path of a steel ball ejected vertically from a moving object, Cambridge, Massachussets, 1958-61
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Berenice Abbott, Time Exposure Angle Shot, c. 1958
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Berenice Abbott, Multiple Exposure of Bouncing Golf Ball, Cambridge, Massachusetts, 1958-61
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Berenice Abbott, Parabolic Mirror, Cambridge, Massachusetts, 1958-61
Berenice Abbott, Documenting Science
"Nous vivons dans un monde façonné par la science, mais nous, les millions de profanes, nous ne comprenons pas ou n'apprécions pas le savoir qui contrôle ainsi notre vie quotidienne."
Berenice Abbott, lettre à Charles C. Adams le 24 avril 1939, New York.
De 1939 à 1961, Berenice Abbott se concentre sur un nouveau sujet, celui des phénomènes scientifiques, menant pendant plus de vingt ans un combat tenace pour la vulgarisation et la démocratisation du savoir scientifique.
Elle développe ses motivations dans une lettre adressée à son ami Charles C. Adams, qu'elle qualifiera elle-même de "manifeste scientifique". Elle y déplore la séparation entre la science et le grand public, exprimant la nécessité d'un "interprète bienveillant" qui viendrait combler ce fossé, et voyant dans la photographie le médium le plus adapté à cette mission. "Mais jusqu'ici, nous n'avons pas encore maîtrisé les problèmes que posent la photographie des sujets scientifiques et leur présentation sous une forme attrayante pour le public et correcte d'un point de vue scientifique. Aujourd'hui, la science attend sa voix."
Voyant dans la science le sujet le plus passionnant du monde actuel, elle s'initie seule aux bases de la physique et de l'électricité, suivant des conférences, dans l'espoir de trouver des soutiens pour son projet. Sa persévérance l'amène à rencontrer Gerald Wendt en 1944, rédacteur en chef de Science Illustrated, qui l'engage comme responsable photo. Son objectif premier est alors d'allier l'analyse d'une science complexe, l'exactitude scientifique, avec la simplicité d'une image compréhensible par tous.
Un changement capital se produit en 1957, avec le lancement du Spoutnik par l'URSS. Comme elle le pressentit très vite, l'avance capitale dont ont fait preuve les Soviétiques agite le milieu scientifique américain et dynamise les préoccupations liées à la représentation de la science. La National Science Foundation met en place une Commission d'Etude des sciences physiques au Massachusetts Institute of Technology (MIT). Il s’agit d’élaborer de nouveaux manuels scolaires, dans le but de former une nouvelle génération de scientifiques, capables de rivaliser avec les Soviétiques. La photographie va alors occuper une place fondamentale, notamment dans le domaine de la mécanique quantique. La rencontre de Berenice Abbott avec le Dr Elbert P. Little, directeur exécutif de la Commission, lui permet ainsi d'accéder, presque vingt ans après le début de ses recherches sur le sujet, à un emploi stable dans le domaine scientifique.
Les préoccupations de la Commission se rapprochent fortement des siennes. On y retrouve l'idée d'une réhabilitation de la citoyenneté par une meilleure connaissance des phénomènes scientifiques. Pour Berenice Abbott, ces photographies représentent un travail "d'intérêt public" et, malgré leur grande abstraction formelle, elles sont pour elle les plus réalistes de toute son œuvre. Destinées à un usage pédagogique, réalisées dans une véritable volonté d'enseignement, elles sont publiées en particulier dans un manuel de physique, utilisé dans près de six cent écoles aux Etats-Unis.
La grande force de Berenice Abbott aura été d'avoir su utiliser l'abstraction comme moyen de réinterpréter le système physique d'une manière visuellement accessible, et ainsi parvenir au but qu'elle s'était toujours fixé, d'élargir la connaissance du monde.