Romain Urhausen: Une conscience subjective
Les Douches la galerie a le plaisir de présenter l’œuvre de Romain Urhausen (1930-2021), à travers une sélection d’une quarantaine de tirages d’époque, emblématiques de sa démarche expérimentale.
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Au cœur de la conscience de Romain Urhausen
Lucie Guillet, Fisheye, 17 Mai 2023 -
La réalité augmentée du photographe Romain Urhausen
Emmanuelle Lequeux, M, le magazine du Monde, 24 Avril 2023 This link opens in a new tab. -
Romain Urhausen – Une conscience subjective / Jean-Claude Gautrand – L’assassinat de Baltard
Frédérique Chapuis, Télérama Sortir, 18 Avril 2023
Prolifique, mais peu connue en France, l’œuvre photographique du pionnier luxembourgeois Romain Urhausen (1930-2021) se distingue par son style singulier, entre l’école française humaniste et l’école allemande subjective des années 1950 et 1960, à laquelle il a contribué activement. Souvent prétexte à une exploration formelle et poétique, ses sujets photographiques, teintés aussi d’humour, vont au-delà d’une représentation classique de la réalité. Le quotidien, l’homme au travail, le paysage urbain, le nu ou l’autoportrait sont abordés selon une approche plasticienne et expérimentale. L’esthétique subjective, apprise chez Otto Steinert, a marqué le langage formel de Romain Urhausen, sa façon de traiter les contrastes et les cadrages, mais aussi sa manière de regarder autrement le monde. Les Rencontres d’Arles lui ont consacré en 2022 une rétrospective, intitulée En son temps, qui a fait l’objet d’un catalogue paru chez Delpire & Co. Le public parisien pourra, à son tour, découvrir aux Douches La galerie, du 6 avril au 27 mai, une œuvre infiniment protéiforme.
ENTRETIEN AVEC PAUL DI FELICE
Commissaire d’expositions et critique d’art
Comment définiriez-vous, en quelques mots, l’œuvre de Romain Urhausen ?
Quand on parle d’œuvre pour Romain Urhausen, il faut bien spécifier qu’il n’était pas seulement photographe, mais aussi designer, architecte, cinéaste, entre autres. Si l’on parle maintenant de son travail photographique, je considère surtout les années 50 jusqu’au début des années 70 comme sa période la plus féconde. Au Luxembourg, dont il est originaire, il a été un pionnier dans la photographie subjective après avoir figuré parmi les photographes humanistes.
Quelles ont été ses influences dans le domaine de l’art ?
En photographie, certainement les photographes français humanistes des années 40. Mais il était très intéressé par l’art en général, et par la peinture notamment. Il a d’ailleurs été lui-même en contact avec beaucoup d’artistes, qui travaillaient notamment l’abstraction, ou la peinture gestuelle, que ce soit en Allemagne, où il a vécu quelque temps, ou en France. Il a également fait de la sculpture puisque ses premières compressions datent des années 50. C’est quelqu’un qui était vraiment très créatif et très productif.
Le fait qu’il a été également architecte, designer, a-t-il eu un impact sur ses choix photographiques ?
Oui, absolument. Il y a toute une série de photos qu’il a réalisée sur des sites industriels, ou dans certaines villes en Allemagne, notamment dans la Sarre, où il était très intéressé par les structures des bâtiments mêmes. L’espace urbain et tout ce qui tout ce qui touche à l’architecture, on le retrouve justement dans ses photographies. .
Y a-t-il des thèmes récurrents dans son œuvre photographique ?
Oui, notamment ce thème de la structure industrielle que je viens d’évoquer en fait partie évidemment, mais pour une période qui va des années 50 aux années 60. En revanche, les photos de nu ont été une constante dans son œuvre, et ce jusqu’aux années 2000. Mais il est passé, dans ce domaine, de l’esthétique subjective à un style plus contemporain. Il n’a jamais été intéressé par le nu traditionnel, mais plutôt par les formes expérimentales autour du nu.
Quel était son rapport au réel, à la quotidienneté ?
Romain Urhausen était quelqu’un de très curieux et d’ouvert. Il avait le sens de la composition et de l’esthétique. Le quotidien est très présent dans son œuvre, simplement il le sublime à travers son art.
Le titre de votre essai, paru dans le catalogue publié à l’occasion de l’exposition qui lui a été consacrée aux Rencontres d’Arles 2022, s’intitule Romain Urhausen entre photographie humaniste et photographie subjective. Si vous deviez faire pencher la balance dans un sens ou dans l’autre, quel serait-il ?
Certainement la photographie subjective. De ce quotidien a priori banal, il voit d’autres choses que le commun des mortels peut apercevoir. Il disait toujours que c’est grâce à l’enseignement d’Otto Steiner, grand maître de la photographie subjective allemande, qu’il a pu former son regard. C’est pour cette raison que la balance penche plutôt de ce côté-là.